L'obligation de tenir une comptabilité en Suisse

Incidences sur la taxation des entreprises

Les entreprises, qu'elles soient exploitées par une personne physique ou par une personne morale, ont l'obligation de tenir une comptabilité qui permet au fisc d'établir ou de contrôler la base d'imposition tant en matière d'impôts directs ou qu d'impôts indirects comme la TVA .

Nous examinons ici le fondement de cette obligation.

L'obligation de tenir une comptabilité commerciale

Aux termes de l’article 934, al. 1 CO, celui qui fait le commerce, exploite une fabrique ou exerce en la forme commerciale quelque autre industrie est tenu de requérir l’inscription de sa raison de commerce sur le Registre du commerce du lieu où il a son principal établissement. Celui qui exploite une affaire sans être astreint à une inscription est néanmoins autorisé à se faire inscrire (art. 934,al. 2 CO).

Sont tenus de se faire inscrire en vertu de l’ordonnance sur le Registre du commerce :

- les entreprises commerciales ;

- les entreprises industrielle, c’est-à-dire celles qui transforment à l’aide de machines ou d’autres moyens techniques les matières premières ou d’autres marchandises en des produits nouveaux ou perfectionnés ;

- les artisans, mais seulement dans la mesure où leur entreprise doit être exploitée commercialement et doit tenir une comptabilité régulière en raison de sa nature et de son importance ;

- les autres entreprises exploitées en la forme commerciale, c’est-à-dire celles qui, sans être des entreprises commerciales ou industrielles, doivent cependant être exploitées commercialement et tenir une comptabilitérégulière en raison de leur nature et de leur importance.

Certaines de ces entreprises, en particulier les entreprises industrielles ou artisanales soumises à inscription, ne doivent se faire inscrire que si elles ont un chiffre d’affaires dépassant Fr. 100’000 .

L'article 934 pose une règle générale. Cependant, celle-ci ne s'applique en fait qu'aux personnes physiques exerçant leur activité en raison individuelle. Pour la plupart des personnes morales (société anonyme, art. 643, al. 1 CO; société à responsabilité limitée, art. 780, al. 1 CO; société coopérative, art. 838, al. 1 CO), l'inscription est indispensable pour acquérir la personnalité morale. Pour les sociétés de personnes, ce sont des prescriptions d'ordre qui exigent l'inscription.

En vertu de l’article 957 CO, quiconque a l’obligation de se faire inscrire au Registre du commerce doit posséder la comptabilité exigée par la nature et l’étendue de ses affaires. L’exigence d’une comptabilité existe dès qu’unepersonne a l’obligation de se faire inscrire ; il n’est pas nécessaire qu’elle soit effectivement inscrite. Sans obligation de se faire inscrire, il n’y a pas obligation de tenir une comptabilité en vertu du droit privé.

L'obligation de tenir une comptabilité en matière de TVA

Tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l’application de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l’administration fiscale (art. 58, al. 1 LTVA). Cette obligation est indépendante de l’obligation de tenir une comptabilité commerciale et a une finalité différente. Du point de vue de la TVA, la comptabilité est une technique cohérente d’enregistrement des opérations réalisées par l’assujetti. Les livres comptables doivent être tenus de tellemanière que les faits pertinents pour l’assujettissement et le calcul de la TVA nette, c’est-à-dire de l’impôt brut et de l’impôt déductible, puissent êtrevérifiés aisément et de manière sûre .

A notre avis, les assujettis qui ont l’obligation de tenir une comptabilité ont également celle d’organiser leur comptabilité en fonction de leurs obligations en matière de TVA. Cela découle du principe du degré de développement adéquat prévu à l’art. 957 CO: le commerçant doit posséder les livres exigés par la nature et l’étendue de son activité. Si celle-ci est soumise à la TVA, il doit en tenircompte .

L’administration n’a pas édicté de prescriptions spéciales pour les assujettis qui ne sont pas légalement astreints à tenir une comptabilité commerciale mais elle leur recommande de se conformer également aux règles applicables à ce type de comptabilité.


L'IMPORTANCE DE LA COMPTABILITÉ POUR L'IMPOSITION DES ENTREPRISES EN MATIÈRE D'IMPÔTS DIRECTS

La théorie des sources et celle de l'accroissement de la fortune nette développées en matière d'imposition du revenu des personnes physiques ont eu des conséquences en matière d'imposition des entreprises. On a développé deux théories à ce sujet: la théorie du compte d'exploitation et celle du bilan.

Selon la première, le bénéfice de l'entreprise ne comprend que les profits d'exploitation. On n'impose donc pas les gains en capital ou on les soumet à un régime particulier. Au contraire, selon la théorie du bilan, l'ensemble des profits de l'entreprise, y compris les gains en capital, est imposable.

C'est cette seconde conception qui s'applique en Suisse, en France et en Allemagne. Dans ces pays, dans la mesure où la comptabilité est tenue selon des principes reconnus, le résultat ressortant du compte de pertes et profits et le bénéfice imposable devraient se recouper. Néanmoins, cela n'est pas toujours le cas en raison de divergences entre la loi fiscale et les notions comptables.

Les indépendants et les personnes morales, notamment les sociétés de capitaux, sont en principe imposés sur la base du résultat ressortant des comptes (art. 18 et 58 LIFD; art. 24 LHID). La loi sur l'impôt fédéral direct (art. 18, al. 3 et 125, al. 2 LIFD) comme la loi sur l'harmonisation des impôts directs (art.42,al.3 LHID) prévoient que les personnes physiques exerçant une activité indépendante et les personnes morales doivent tenir leur comptabilité selon l'usage commercial sans définir ce qu'il faut entendre par là. Toute la question est de savoir quels principes comptables une comptabilité "tenue selon l'usage commercial" doit respecter pour jouir d'une présomption d'exactitude.